Il y a des moments dans l'écriture où il faut savoir s'isoler.

Pendant une longue période, je n'ai pas su gérer mes petits handicaps d'amour. Pour faire des petits correctifs, les enfants ne sont pas gênants, mais pour des scènes entières à remanier ou à inventer, c'est plus diffficile. Jusqu'à ce que je m'oblige à l'ermitage : partir quelques jours pour retrouver un rythme d'écriture naturel et non commandé. J'ai pu vérifier ainsi pourquoi je n'arrivais pas à travailler facilement avec mes enfants : je tourne en rond le matin en pensant à toutes les scènes que je voudrais écrire ou changer, je commence à tapoter en début d'après-midi avec l'esprit toujours vagabond mais je n'arrive pas à me canaliser sur ce que je dois écrire avant 15h, après je cartonne jusqu'à 22h. Bon je n'ai jamais été très prolifique, le maximum c'est 30 000 signes en une journée mais vous pouvez comprendre que mes horaires de travail sont incompatibles avec une sortie des classes, des devoirs, le repas et la mise au lit (heureusement, je n'ai plus à m'occuper du bain ;-)).

Jusqu'à maintenant, j'avais testé l'ermitage dans la maison en vente d'amis, dans une chambre chez l'habitant et dans le studio vide d'une amie en stage. Manque de budget, manque d'opportunité, ce week-end c'est la maison. Conjoint en plongée et enfants chez les grands-parents, a priori aucun souci à l'horizon.

Samedi matin, levée tranquille, juste le chat qui miaule pour ses croquettes. L'aspirateur automatique fait sa ronde à mon grand ravissement. Tout va bien. Ma conscience de maman me rappelle quand même que si je ne fais pas une lessive de pulls, il n'y en aura pas pour lundi. Ok, juste ça, ce n'est pas trop de temps perdu. Et après je m'installe à mon bureau. Ah oui, parce que j'ai un coin bureau maintenant (dans la salle de bains qui sera faite dans deux ans et que je peux squatter tranquille en attendant) ! Je peux piquer le fauteuil de mon homme et mon porte-feuille sera content de ne pas revoir mon kiné tout de suite. Mais j'ai oublié que l'électricité de l'étage est quelque peut réduire depuis qu'on a abattu tous les murs ;-). Pas de prise libre à côté du nouveau bureau. Crotte, ma batterie ne tiendra pas le week-end. Bon je cherche une rallonge, descend un énorme rouleau et barre la chambre d'un méga fil. Ok, c'est bon, je peux commencer. Ah non, j'ai perdu ma feuille où j'ai noté tous les changements à faire ! C'est pas vrai, pas une deuxième fois ! Je tourne, je vire, j'ouvre l'ordi, ah ben, je l'avais mis là pour ne pas la perdre, haha. Bon, ça y est, c'est entre mon tome III et moi pour tout le week-end.

C'était sans compter sur un élément auquel je n'avais pas pensé : le chat ! Quand je suis installée sur le canapé, c'est vrai qu'elle est souvent à côté de moi et que je la papouille de temps en temps. Mais sur le bureau, il y a un problème. A peine ai-je commencé à allumer mon portable que mademoiselle veut un câlin. Je prends un coussin et le mets sur le bureau à côté de moi, elle dédaigne et se met sur mes feuilles. Ah non, chérie, c'est pas possible, en plus, tu glisses, tu ne le sens pas ? Je la remets sur le coussin, elle vient sur mes genoux. Ah souci, le fauteuil a des roulettes, si le chat se met entre mon ordi et moi, il ne me reste plus qu'à allonger les bras. Ronron, ronron. Ok reste-là un peu, je vais me débrouiller. Le kiné me reverra peut-être plus vite que prévu. Une, deux fois, elle revient à la charge pour un câlin et dès que je me lève pour aller aux toilettes, mademoiselle demande à sortir ou à rentrer. Mhum, élément perturbateur.

A la pause de midi il fait un temps magnifique. C'est rageant après tant de jours de pluie. Je m'enferme alors qu'il fait beau ! Je vois mon voisin qui retourne son potager. Il a raison, c'est une journée à planter des patates et des carottes. Tais-toi, pends le linge et retourne au boulot !

Les signes s'enchaînent ; c'est l'après-midi, c'est impressionnant cette différence de production. Ah, retour du chat. Roman. Toilettes. Roman. Ah, encore le chat. La sonnette retentit, c'est le voisin qui vient piquer notre poubelle à roue pour aller à la décharge (oui on a une très vieille caisse qui ne sert qu'à ça, si on n'a pas peur de rester coincé entre la maison et la décharge). Il m'a peut-être dérangé mais il change les voitures de côté de rue (et ben oui on est le 16, on aurait eu l'amende, parce que là, derrière mon ordi, je n'aurai rien vu, merci !). Retour au roman. Tiens il est 18h l'aspirateur fait sa tournée du soir. Quel andouille, il vient de se prendre dans le fil de la rallonge ! Je le vire de la chambre. Bon, roman, chat, roman, casse-croûte, roman, chat. Je commence à avoir les yeux qui se ferment. Et si j'allais me coucher ?

Le dimanche fut à peu près équivalent sauf que j'ai éteins l'aspirateur (toute seule, je ne salis rien et il est vraiment trop bête). Au final 40 000 signes rajoutés sur les 8 premiers chapitres. Pas mal pour une personne dérangée toutes les cinq minutes par une boule de poils vindicative. Mais j'ai du mal à être contente : mon texte fait 379 000 signes à l'heure actuelle alors qu'il est censé être fini ; il doit en faire 600 000 pour la publication. Je sais que plus je vais vers la fin et plus j'ai de signes à rajouter puisque j'ai écris les 6 derniers chapitres au lance-pierre. Mais combien d'ermitage va-t-il me falloir ?! Cela fait peur. Il va falloir que j'envoie le chat quelque part si je reste à la maison ;-)