Mon bébé ne m'appartient plus.

Il a quitté le nid et, à partir du 16 avril 2014, il passera dans chaque esprit qui voudra bien l'accueillir.

Je n'ai jamais autant regretté un titre de cycle : Eternité. J'ai longtemps cru que je m'étais jetée un sort comme une crétine. Il m'a fallu 13 ans pour écrire cette trilogie, mais si je remonte à l'idée, cette histoire me hantait bien avant. J'ai déjà fait une page sur l'origine de ce texte mais ce n'est qu'aujourd'hui que je me rends compte de tout l'impact qu'il a eu sur ma vie.

Cette trilogie a été témoin de grands moments de joies comme de grands moments de peines. J'y ai mis beaucoup de moi et seules quelques rares personnes pourront s'en rendre vraiment compte, parce que ce n'est pas forcément le personnage de Naslie qui m'a servi à sortir tous les sentiments qui ont pu me traverser.

Je n'ai pas passé 13 ans à écrire cette histoire. Mais 13 ans à l'imaginer, à la vivre de mille manières et à la peaufiner, oui. Comme une rengaine, comme une obsession. Ce fut une souffrance, surtout les années où je ne trouvais pas le temps de la mettre sur le papier. Et les deux dernières années furent aussi très dures parce que j'avais enfin le temps, mais le travail était colossal en terme de corrections. J'ai vomi le tome III, comme je l'avais fait du tome I après ma thèse. Trop de frustration, trop de peur d'avoir une incohérence avec le tome I qui allait être édité. Mais je l'ai payé. Pour vous donner une idée, je suis partie de 370 000 caractères à la fin de la rédaction du tome III (signe et espace compris) et il fallait obtenir les 600 000 réglementaires pour son édition. J'avais écrit mon histoire comme un film d'action sur fond vert : il n'y avait aucun décor, aucune mise en scène, aucune fioriture. Je n'avais pas peur de ce travail de réécriture rébarbatif pour l'avoir fait plusieurs fois mais je n'avais pas conscience de ce que ce serait sur un tome entier. J'ai cru détester mon texte tant c'était éprouvant de reprendre chaque scène, j'ai pensé être incapable de le rendre présentable un jour, de faire la souris qui accouche de la montagne (ça, je ne suis pas encore sûre de l'avoir évité ;-) on verra les critiques). Je ne suis pas une personne qui brille pour sa confiance en elle. Ce texte m'a enfoncée très bas plus d'une fois. Des semaines sont passées sans pouvoir y toucher parce que j'étais écœurée. Et ce n'est que parce que les deux premiers tomes étaient sortis que je n'ai jamais pu abandonner. De toute manière, je n'en pouvais plus d'imaginer les relations entre Yshem et Naslie, il fallait en finir une fois pour toutes ;-)

Aujourd'hui, j'ai l'impression que ces personnages et cette histoire m'ont quittée depuis des années, alors que la validation des épreuves n'a qu'une semaine. Je ne peux plus rien changer, tout est derrière moi comme Leïlan, les personnages m'ont quittée. Je me pose même la question si j'arriverai à être impliquée plus que lorsqu'on me pose des questions sur ma première trilogie. J'aime cette histoire pour ce qu'elle est et la déteste pour ce qu'elle m'a fait subir. Je sais que je vais être euphorique quand je tiendrai le dernier tome dans mes mains, mais en l'instant présent, c'est plutôt le soulagement amer de tourner la page qui reflète le plus ce que je ressens. Et une peur insidieuse monte doucement en moi : celle de ne jamais réussir à faire un monde aussi complet parce que je n'y consacrerai plus jamais 13 ans (du moins je l'espère !).