Le but de cet ermitage était de définir un cadre historique à un roman d'aventures sur fond de piraterie démarrant à Saint-Malo. Quand j'écris des trilogies de fantasy, je me soucie tellement du réalisme que des recherches pointues sur l'histoire de la ville malouine, même pour une dizaine de chapitres au total, me semblaient obligatoires.

Avant de partir, j'avais déjà commencé à écrire le début du roman. Mon héroïne s'appelait Emilie, les trois prostituées l'entourant ; Berthe, Colette et Adèle, et mon futur bateau était "la belle Céline". Je savais que la période la plus faste de la piraterie dans les Caraïbes était de 1640-1680, l'époque des boucaniers de 1650-1690 (après il n'y avait plus de boucaniers puisque les Espagnols ont décimé exprès le gibier en 1694), l'esclavagisme était à son comble en 1675, mais je voulais mettre un peu de relief à Saint-Malo et parler des premières modifications de fortifications faites par Vauban sans dépasser dans le 18ème siècle (pour éviter d'être dans l'ombre de Duguay-Trouin, ou plus loin Surcouf, sortir du règne de Louis XIV...). J'avais opté arbitrairement pour une histoire se situant entre 1686 et 1691.

La moindre phrase entrainait une kyrielle de questions difficiles à résoudre avec juste une liaison internet, du style : est-ce qu'il y avait des quais dans le port, quelle taille avait-il, est-ce que toutes les rues étaient pavées, quel nom de rue existait déjà, quelle porte ouvrait sur l'extérieur de la ville, quelle était les modalités de garde, quels étaient les liens commerciaux et qui gouvernait la ville, quel nom ou prénom était typiquement malouin... ? De quoi devenir cinglée.

Je voulais faire ce voyage depuis un moment et puis une personne chère à mon coeur m'a offert le séjour pour mon anniversaire. J'ai donc passé une semaine à marcher dans la ville pour faire le tour des points historiques, prendre des notes sur l'aspect de la mer, du ciel, des murs et de la végétation, visiter l'Etoile du Roy, réplique d'une frégate de 1745 et surtout squatter les archives municipales pour fouiller leurs registres de naissance, leurs flots des cartes et des plans, ainsi que tous les livres écrits sur l'histoire de Saint-Malo.

Dès le premier jour, j'ai eu une grosse déconvenue : Emilie, prénom existant pourtant au 17ème siècle n'apparait dans aucun registre malouin de 1660 à 1690... Colette, Berthe, Adèle et Céline non plus. Des Jeanne, Marie, Anne, Servane, Perrine, et même Olive tant qu'on veut mais pas d'Emilie... Pour les hommes, pas de Médard et de Félicien. J'aurai pu m'en ficher et continuer mon histoire comme si de rien n'était, mais le ver était dans la pomme.

Mais cela ne s'arrête pas là. A force de faire le tour des points historiques, il y a des évènements qu'on a envie d'inclure ; comme le bombardement par les Anglais et les Hollandais en 1693 avec une machine infernale qui ne fit qu'un mort, un chat, et qui donna le nom à une rue, celle "du chat qui danse". Des constructions importantes comme le Fort national et Fort Harbour a été créé en 1689, celui de Grand Bé en 1694, de petit Bé de 1689 à 1693, De quoi faire pas mal de discussions entre hommes dans les tavernes.

Je reviens de Saint-Malo avec près 900 photos et photo-copies de livres et de cartes. J'ai changé les prénoms : après mûres réflexions, j'ai mis Jeanne pour mon héroïne et Jacquette et Guyone pour les autres (je n'ai encore rien fait pour Adèle, trop empreint d'une valeur personnelle), Marcelin et Lazard pour les hommes. J'ai changé légèrement les dates prévues ; ce sera 1691-1696 (en attendant d'autres changements ;-) ). Et après le tour dans la frégate l'Etoile du Roy, j'ai l'équipage de " L'Elisabeth" ;-)

Contrairement à ce que cela semble, ce ne fut pas des vacances. Je suis dans un état de fatigue aujourd'hui que j'ai même du mal à comprendre (sans enfants et sans horaires durant une semaine, je devrais péter la forme !). Je crois en fait que je me suis saoulée d'informations. Je n'ai pas écris durant mon séjour, seulement corrigée, peaufinée de lieux exacts. Mais tout est bien clair maintenant. Il est temps de prendre le large ;-)