Idée de janvier 1996.

Un cours d'écologie des sols me sortait par les yeux. Des vers, des bactéries, des amibes, des champignons et des racines... Pouf ! Dans le métro, j'ai pris une feuille et, arrivée chez moi, le texte était fini ! Hélas, le sujet n'avait toujours pas réussi à m'inspirer le jour de l'examen...

Bactérie, elle était née un jour
D'une mère qui avait fusionné à son tour.
De quelques substances inopinées,
Incubées par un ver endogé,
Elle s'était nourrie puis endormie,
Sans rien découvrir de la vie.

Aujourd'hui, quel réveil pour son organisme,
Sans mauvaise humeur ou rhumatismes !
Dans ce monde de nourriture trop dispersée
C'est l'orgie, la félicité !
De quoi faire développer n'importe qui
Et de donner mille fois vie.

Entre les agrégats d'argile,
Une racine s'est faufilée,
Et c'est elle qui, lentement,
Déverse du sucre comme du sang.
Quelle découverte, quelle providence
Dans cette obscure existence !

Fascinée, la bactérie plonge,
Quitte son logis en trou d'éponge,
Pour absorber l'exsudat racinaire
Qui suinte et se mélange à la terre.
Déjà elle prend en taille
Se déforme et s'entaille.

Qui prétend qu'ici bas tout est ennemi ?!
Cette racine ne se montre-t-elle pas amie ?!
Cherche-t-elle à s'associer comme les légumineuses,
Pour acquérir de l'azote, cette substance précieuse ?
Mais cette bactérie n'a rien d'un Rhibozium
Et la racine n'est pas celle d'un Trifolium.

Les secondes passent, les heures aussi,
Maintenant plus personne ne peut dire qui est qui :
La bactérie a multiplié son programme génétique
Et l'a donné à des centaines de filles identiques.
D'autres sont venues aussi, sans compétition ;
La racine donne tout à profusion.

Mais soudain tout le bonheur chavire !
Des amibes viennent de surgir !
Gigantesques, elles ont glissé sur les cellules végétales
Et ont brandi leurs pseudopodes sans signal !
Elles encerclent déjà la colonie !
Où est l'issue, où est la survie ?!

Capturées, englobées, digérées,
Le massacre est sans pitié.
Mère, fille, rivale ou voisine
Tout y passe, tout est victime !
Et la racine avance indifférente,
Elle continue sa route, sa pente

De cette horreur, par un miracle inconnu,
Une entité de la bactérie a survécu.
Elle s'est réfugiée dans un pore tout petit :
Zéro huit micromètre, juste pour la vie.
Elle perçoit le vrai visage de la nature
Implacable, imprévisible et dur.

Mais quel est donc cette sécrétion
Qui, des amibes gorgées, sort à foison ?
Serait-ce..., mais oui, de l'ammonium ! De l'azote !
La racine avance et tournicote,
Ses poils absorbants se servent, malins
Et récupèrent de l'alliance la part du butin.

Est-ce là la vie de micro-organismes ?
Comment faire face à un tel mutualisme ?
La nature est à ce point démoniaque
Que l'un appâte pour que l'autre attaque.
Que faire pour oublier la cruauté qui existe
Si ce n'est, à jamais, s'enfermer dans son kyste ?